Home / Actualités / Communiqué de presse / IBIB / Premières déclarations du bonze bouddhiste Thich Thien Minh après 26 ans de camp de rééducation

Premières déclarations du bonze bouddhiste Thich Thien Minh après 26 ans de camp de rééducation

Download PDF

Vénérable Thich Thien MinhThich Thien Minh (nom séculier Huynh Van Ba, 51 ans) a été libéré lors de l’amnistie gouvernementale du 2 février 2005, à l’occasion du Tet (Nouvel An vietnamien). Membre de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante, interdite arbitrairement en 1981), ancien Bonze Supérieur de la Pagode Vinh Binh, à Bac Lieu, dans le sud du Vietnam, Thich Thien Minh a été détenu 26 ans durant pour son attachement à l’EBUV. Il a passé de longues périodes en cachot d’isolement, pieds et mains enchaînés, du fait de ses protestations contre les mauvais tratements et les terribles conditions de détention de ses co-détenus. Dès son arrivée à Ho Chi Minh Ville, Thich Thien Minh a appelé le Bureau International d’Information Bouddhiste (BIIB), juste avant d’aller rendre une brève visite au deuxième dignitaire de l’EBUV Thich Quang Do et de prendre le bus pour Bac Lieu. C’est la toute première fois qu’il s’exprime publiquement depuis 26 ans. Le BIIB est honoré de pouvoir présenter ici quelques extraits de la conversation avec cet homme extraordinaire. Le texte intégral, qui fournit d’intéressants détails sur la vie dans les camps de rééducation vietnamien, est accessible sur le site du BIIB/Quê Me à l’adresse suivante :

Interview du Vénérable Thich Thien Minh (en anglais)
Interview du Vénérable Thich Thien Minh (en vietnamien)

Le 6 février 2005, le BIIB a de nouveau parlé avec le Vénérable Thich Thien Minh. Arrivé à Bac Lieu, il venait de rendre visite à son frère. Depuis son arrestation, les autorités pénitentiaires n’ont jamais informé la famille de Thich Thien Minh sur sa situation. Son frère, pensant qu’il était mort, avait élevé un autel, où il priait chaque jour pour lui et déposait un bol de riz en offrande. Thich Thien Minh a rapporté que son frère a continuellement souffert de harcèlements et de pressions de la part de la police et des autorités du seul fait de ses liens familiaux avec le bonze dissident.

*****

BIIB : Vénérable Thich Thien Minh, quels sont vos impressions sur vos premiers jours de liberté ?

Thich Thien Minh : J’ai été en camp de rééducation pendant 26 ans. Plus d’un quart de siècle en détention, simplement parce que je soutenais l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam interdite. Un quart de siècle, ce n’est pas beaucoup comparé à la longue histoire du peuple vietnamien et de l’humanité. Mais un quart de siècle dans la vie d’un homme, c’est terriblement long. En particulier pour un bonze qui a pour mission de dévouer sa vie aux autres…

On m’a dit que je devais ma libération à la politique dite de clémence du gouvernement. Mais pour moi, leur « clémence » vient trop tard. J’ai trop souffert et pendant trop longtemps des mauvais traitement. A mon avis, leur amnistie de prisonniers politiques a été provoquée par les pressions et l’insistence de la communauté internationale. Libérer des prisonniers politiques, des prisonniers de conscience et des prisonniers religieux est un acte sensé et nécessaire. Mais ils ne l’ont font que par réaction défensive, c’est une chose à laquelle ils ont été forcés, pas quelque chose qu’il souhaitaient réellement.

S’ils m’ont libéré avec l’intention de me placer en résidence surveillée, en détention administrative, ou de me faire subir d’autres traitements iniques ou d’autres discriminations, alors ce ne sera pas une véritable liberté. Ce sera juste un transfert d’une prison à une autre, à une autre sorte de prison.

Je crois que tant qu’il n’y aura pas de véritable liberté, de véritable démocratie et de véritables droits de l’Homme au Vietnam, l’ensemble des 80 millions de Vietnamiens, y compris moi-même, seront condamnés à vivre comme des ombres, écrasés par la peur, le doute, la désillusion et assaillis par les difficultés et les soucis. Voilà mes impressions de mes premiers jours de liberté.

BIIB : Combien y a-t-il de prisonniers politiques dans le camp de rééducation Z30A aujourd’hui ?

Thich Thien Minh : Il y a encore un certain nombre de prisonniers politiques, et quelques prisonniers religieux aussi. Par exemple, il y a le Père Pham Minh Tri — il souffre de démence depuis 10 ans, mais ils le gardent toujours dans le camp — et le Père Nguyen Duc Vinh de la Congrégation de la Mère Co-Rédemptrice. Ces deux prêtres catholiques sont détenus depuis 18 ans et n’ont toujours pas été libérés. Il y a également un vieil homme d’une branche de la secte Hoa Hao (Buu son Ky huong). Son nom est Ngo Quang Vinh. Il a 87 ans et marche avec une canne. Il est terriblement faible et sa santé est très mauvaise, mais ils le gardent enfermé dans le camp. Il y a tant de vieux prisonniers politiques dans le camp Z30A, des personnes de 70-80 ans qui sont entrés dans le camp alors qu’ils étaient des jeunes gens forts, en bonne santé, avec des cheveux noirs. Maintenant leurs cheveux sont blancs et leurs corps voûtés, mais ils sont toujours emprisonnés. Même s’ils étaient relâchés un jour, ils ne seraient que des squelettes vivants, bons à rien, juste une charge pour leurs familles.

BIIB : Avez-vous dû accepter des conditions pour bénéficier de cette amnistie ?

Thich Thien Minh : Durant les sessions de travail [interrogatoires, NdT] avec les fonctionnaires du Ministère de la Sécurité Publique, j’ai insisté pour qu’ils me rendent ma pagode confisquée [en 1976]. Ils m’ont dit de me calmer, de ne pas faire de demandes trop hâtives, de laisser le gouvernement vietnamien s’occuper de mes problèmes étape par étape. Cela sonnait comme des promesses creuses, ils sentaient l’insincérité… Certains fonctionnaires de du Ministère de la Sécurité Publique m’ont dit que je devais me restreindre à pratiquer le Bouddhisme après ma libération et promettre de ne pas critiquer le gouvernement ou m’opposer à lui, comme je l’avais fait avant.

Je leur ai donné franchement mon opinion. Je leur ai dit : « Oncle Ho a déclaré que quand il y avait de l’oppression et de l’injustice, la lutte suivait inévitablement. Alors la vraie question que le gouvernement vietnamien devrait se poser est de savoir non pas pourquoi le peuple s’oppose à lui ou le critique, mais s’il n’a pas provoqué l’opposition en se montrant oppressif ou injuste. C’est mon avis ».

BIIB : Y-a-il quelque chose que vous voudriez ajouter ?

Thich Thien Minh : Pendant que j’étais en camp, j’ai su d’après certains de mes co-détenus, arrêtés après moi, que la communauté internationale avait lancé des appels en faveur de la libération des prisonniers politiques, des prisonniers de conscience et des prisonniers religieux au Vietnam. Parmi ces appels, il y a eu ceux de M. Vo Van Ai. Je voudrais le remercier et lui demander de transmettre mes plus chaleureux remerciements à la Commission américaine sur la Liberté Religieuse Internationale, au gouvernement et au Congrès américains, à l’Union Européenne et au Parlement Européen, aux Nations Unies, en particulier à M. Amor, aux organisations internationales des droits de l’Homme comme Human Rights Watch, Amnesty International (à leur siège à Londres et à leur section en Espagne), ainsi qu’aux stations de radio, aux journaux et à toutes les personnes concernées [par notre sort] dans le monde entier. Je remercie tous ceux qui ont travaillé de façon désintéressée et sans relâche pour obtenir la libération des prisonniers de conscience au Vietnam, des prisonniers qui sont détenus simplement parce qu’ils ont lutté, jour et nuit, par la non-violence pour la réalisation des idéaux de la liberté, de la démocratie et des droits de l’Homme. Merci pour nous avoir soutenus et pour avoir élevé votre voix pour nous. Je vous remercie tous du fond du cœur.

*****

Notes biographiques : Thich Thien Minh (nom séculier Huynh Van Ba) est né en 1954 dans la province de Bac Lieu. En 1976, les autorités ont confisqué la Pagode Vinh Binh à Bac Lieu, où il était Bonze Supérieur, afin de l’utiliser comme un entrepôt pour la milice locale. La Pagode a plus tard été rasée pour y construire un marché. Du fait de ses protestations et de son soutien actif à l’EBUV, Thich Thien Minh a été arrêté en 1979, condamné à la détention perpétuelle et envoyé dans le camp de rééducation Z30A, à Xuan Loc, province de Dong Nai. En 1986, il a été condamné une nouvelle fois à la détention perpétuelle par un tribunal ad hoc du camp pour avoir tenté de s’évader. En 1995, avec 200 prisonniers politiques, il a lancé un appel pour la démocratie, les droits de l’Homme et pour l’abolition de l’article 4 de la Constitution (sur le monopole politique du Parti Communiste). En 1996, il a de nouveau signé une pétition avec 200 prisonniers politiques pour demander l’amélioration des conditions de détention. Du fait de ses fréquentes protestations faites au nom de ses co-détenus, Thich Thien Minh a régulièrement été puni et envoyé au cachot d’isolement, mains et pieds enchaînés. En 1997, les Nations Unies ont déclaré Thich Thien Minh victime de détention arbitraire. En 1998, le Rapporteur Spécial sur l’intolérance religieuse des Nations Unies, le Pr Abdelfattah Amor, a visité Thich Thien Minh au camp Z30A. En 2004, grâce à la pression internationale, sa sentence a été ramenée à 20 ans d’emprisonnement. Sa libération devait intervenir en 2006. Arrêté à l’âge de 25 ans, Thich Thien Minh a à présent 51 ans.

Check Also

L’ambassadeur américain au Vietnam Daniel Kritenbrink rend visite au Patriarche bouddhiste détenu Thích Quảng Độ

  PARIS, 15 juin 2018 (BIIB) – L’ambassadeur des Etats-Unis au Vietnam  Daniel J. Kritenbrink …

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *