A la suite d’un débat en session plénière du Parlement européen à Bruxelles, les 730 députés européens ont adopté aujourd’hui une Résolution sur « La Situation des Droits de l’Homme au Cambodge, Laos et Vietnam » condamnant très fermement le manque de réformes politiques dans les trois pays et la persistance des violations de la liberté d’expression et de religion. La Résolution, qui a été largement soutenue par les députés de 25 Etats-membres et de tous les différents groupes politiques, demande au Conseil Européen et à la Commission Européenne de revoir la coopération de l’Union Européenne à la lumière de la « clause des droits de l’Homme » (article 1) qui fonde l’aide et la coopération entre l’UE et le Vietnam sur le « respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux ».
Concernant le Vietnam, la Résolution condamne, en des termes très forts, la répression par le gouvernement vietnamien de toutes les communautés religieuses non-reconnues, notamment les récents harcèlements à l’encontre des représentants des bureaux de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante, interdite en 1981) dans 9 provinces. Elle appelle le Vietnam à « mettre fin à toute forme de répression des membres de l’Eglise bouddhique unifiée du Viêt-nam et de reconnaître officiellement son existence ainsi que celle des autres Eglises, non reconnues, du pays » et à libérer tous les prisonniers de conscience, « notamment Thich Huyen Quang et Thich Quang Do ».
C’est la première fois que la situation des droits de l’Homme au Cambodge, Laos et Vietnam fait l’objet d’un débat commun au sein du PE. Le débat avait été formellement demandé par la Commission des Affaires étrangères et la Sous-Commission des droits de l’Homme du PE, à la suite d’une audition du PE, le 12 septembre 2005, sur les trois pays. Lors de cette audition, qui marquait le 30ème anniversaire de la fin de la guerre du Vietnam et de l’arrivée des Communistes au pouvoir dans ces pays, M. Vo Van Ai, Président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme, avait appelé le PE à adopter une résolution commune sur la situation très grave des droits de l’Homme dans les trois pays riverains du Mékong.
« Le fait que le Parlement Européen adopte aujourd’hui une résolution sur la situation très grave au Cambodge, Laos et Vietnam est très significatif. Il y a juste 30 ans, lorsque la guerre du Vietnam prenait fin, une période de répression particulièrement féroce commençait dans nos trois pays. 30 années après, nos peuples ne jouissent toujours pas des libertés et droits fondamentaux. Nous sommes particulièrement encouragés par la prise de position très ferme du PE sur la liberté d’expression et de religion. C’est un geste de soutien formidable pour tous les Vietnamiens qui souffrent de la répression pour le simple fait de défendre les libertés fondamentales et les réformes démocratiques. Le Vietnam ne peut ignorer un tel signal de la part de l’Union Européenne qui est l’un de ses principaux partenaires. Le Vietnam devrait y répondre en entamant des réformes politiques, à commencer par l’abrogation de l’article 4 (sur le monopole politique du Parti Communiste), qui répondront à l’appel du PE pour une démocratie multiparti. Ainsi le Vietnam se dirigera vers une véritable réconciliation nationale de tous les courants politiques et religieux. Il devrait également rétablir le statut légitime de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam et de toutes les autres religions non-reconnues, ainsi que le demande la résolution du PE » a commenté M. Vo Van Ai.
Nous publions les paragraphes portant sur le Vietnam ci-dessous (Le texte complet de la résolution est disponible ici) :
Le Parlement européen,
[…]O. se réjouissant que le Vietnam ait adopté, en juin 2005, le plan directeur et le plan d’action pour le développement des relations du Vietnam avec l’Union européenne, à l’horizon 2010, et que le gouvernement soit plus disposé à discuter des questions de droits de l’homme,
P. reconnaissant les progrès substantiels effectués par la République socialiste du Vietnam dans la voie des droits économiques et sociaux, que révèlent les indicateurs sociaux et l’indice de développement humain du PNUD,
Q. considérant que les autorités vietnamiennes imposent encore des restrictions à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, en particulier en ayant institué, en 2004, une force de police pour censurer l’Internet et en emprisonnant pour espionnage des cyberdissidents, par exemple Nguyen Dan Que, Pham Hong Son, Nguyen Vu Binh et Nguyen Khac Toan, au seul motif qu’ils avaient diffusé des informations sur Internet,
R. considérant que les minorités indigènes des hauts plateaux (centre et nord), les Montagnards, notamment, sont victimes de discriminations et de mesures telles que la confiscation de terres ancestrales et la répression religieuse,
S. considérant que, depuis 1975, l’Église bouddhique unifiée du Vietnam (EBUVN) est systématiquement persécutée à cause de son engagement en faveur de la liberté religieuse, des droits de l’homme et de la réforme démocratique, qu’elle est proscrite depuis 1981, que ses biens ont été confisqués, que ses écoles, ses universités, ses institutions sociales et culturelles ont été détruites, et que Thich Huyen Quang, patriarche de l’EBUVN, et Thich Quang Do, son adjoint, sont détenus arbitrairement depuis près de vingt-cinq ans,
T. considérant que les membres des comités locaux de l’EBUVN établis en 2005 dans neuf provinces du Vietnam central et du Vietnam méridional sont harcelés de manière systématique par la police parce qu’ils aident la population de ces provinces pauvres et que Thich Vien Phuong, moine de l’EBUVN, a été condamné à une amende équivalant à quarante-trois mois du salaire de base au seul motif qu’il a filmé un appel de Thich Quang Do à la Commission des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies en avril 2005 en faveur des droits de l’homme et de la démocratie au Vietnam,
U. prenant bonne note du témoignage de Thich Thien Minh, moine bouddhiste, qui a quitté il y a peu un camp de rééducation, où il avait été détenu pendant vingt-six ans, sur le sort terrible fait aux prisonniers du camp Z30A de Xuan Loc, en particulier à deux prêtres catholiques romains Pham Minh Tri et Nguyen Duc Vinh, détenus pendant plus de dix-huit ans, et à Ngo Quang Vinh, âgé de 87 ans, membre de la secte bouddhique Hoa Hao,
V. prenant acte qu’en dépit d’une nouvelle loi sur la foi et la religion promulguée en 2004 dans le but de codifier tous les aspects de la vie religieuse, de nombreuses restrictions imposées à l’Église bouddhique unifiée du Vietnam et aux Églises protestantes, l’Église mennonite incluse, restent en place,
W. considérant que le Comité des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies a fait des recommandations (réf. CCPR/CO/75/VNM, du 26 juillet 2002) aux autorités vietnamiennes en ce qui concerne la Stratégie de développement de la justice, un plan décennal cofinancé par des pays donateurs, parmi lesquels quelques États membres de l’Union européenne,
[…]7. demande aux autorités vietnamiennes :
— de poursuivre, à l’occasion du trentième anniversaire de la fin de la guerre du Vietnam, un dialogue authentique qui associe toutes les catégories de la population au développement économique, social, intellectuel et politique du Vietnam ;
— d’entreprendre des réformes politiques et institutionnelles qui conduisent à la démocratie et à l’état de droit, en commençant par instaurer le multipartisme et par permettre à tous les courants d’opinion de s’exprimer ;
— de mettre en œuvre la Stratégie de développement de la justice, conformément aux recommandations du Comité des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies et aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politique ;
— de mettre fin à toute forme de répression des membres de l’Église bouddhique unifiée du Viêt-nam et de reconnaître officiellement son existence ainsi que celle des autres Églises, non reconnues, du pays ;
— de libérer tous les prisonniers politiques et prisonniers de conscience vietnamiens, emprisonnés pour avoir exercé, légitimement et pacifiquement, leurs droits à la liberté d’opinion, à la liberté d’expression, à la liberté de la presse et à la liberté de religion, notamment Thich Huyen Quang et Thich Quang Do, que les Nations unies considèrent comme victimes de détention arbitraire ;
— de garantir la plénitude des droits fondamentaux consacrés par la Constitution du Vietnam et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment en autorisant l’apparition d’une presse authentiquement libre ;
— de rapatrier, sans risques pour leur sécurité, en vertu de l’accord Cambodge-Vietnam-HCNUR, les Montagnards qui ont fui le Vietnam et d’autoriser le HCNUR et des ONG internationales à superviser correctement le sort des rapatriés […].