36ème Congrès de la FIDH du 22 au 24 avril 2007 à Lisbonne – En 2006, la République Socialiste du Vietnam est presque devenue un Etat comme les autres : elle est entrée dans l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), a été retirée de la liste noire du Département d’Etat américain des « pays particulièrement préoccupants » en matière de liberté religieuse et a accueilli de nombreux dirigeants d’Asie, des Amériques et d’Océanie pour le Sommet de l’APEC à Hanoi, au mois de novembre 2006, sans que cela ne gêne quiconque.
Or, la République Socialiste du Vietnam est bien loin de remplir ses obligations et engagements en matière de respect et de promotion des droits de l’Homme. La situation des droits des femmes, qui était examinée par le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes au mois de janvier 2007, a bien montré les efforts de façade du régime vietnamien pour protéger les droits fondamentaux.
En effet, alors que le gouvernement vietnamien s’est engagé dans une protection légale et de pure forme des droits des femmes sur le papier, ces droits ne sont nullement respectés en pratique, en particulier dans les domaines social, économique et politique. Les violences domestiques, la traite des femmes et des jeunes filles, le problème grandissant du SIDA, les violations du droit à la reproduction sont des questions très sérieuses, mais elles ne sont fréquemment pas reconnues par les autorités ni n’entraînent de sanctions. Cela décourage les femmes à dénoncer les violations et envoie le message que ces formes de discrimination sont socialement acceptables au Vietnam.
Dans le même temps, le gouvernement vietnamien s’est précipité dans la course à l’adhésion à l’OMC, sans aucune étude de l’impact sur les populations les plus vulnérables du Vietnam. A cet égard, la FIDH regrette que les autorités vietnamiennes n’aient pas tiré les leçons de leur politique de Rénovation (Doi Moi : libéralisation de l’économie et carcan politique), inaugurée en 1986.
En effet, cette politique a abouti à la conjonction du pire du capitalisme sauvage et du pire de l’Etat totalitaire : pour répondre aux exigences de la globalisation économique, les populations pauvres sont abandonnées à leur sort, sans sécurité sociale, sans éducation minimale gratuite ; les ouvriers et les ouvrières sont exploités dans des conditions de travail épouvantables ; l’accès aux soins et à l’éducation se réduit ; la traite des femmes et des enfants et la prostitution se développent ; l’État exporte de la main-d’œuvre ouvrière dans 40 pays étrangers sans aucune protection des travailleurs ; la corruption a explosé… Parallèlement, l’État vietnamien réprime implacablement tous les mouvements de la société civile ainsi que les défenseurs des droits de l’Homme, interdit toute presse ou expression libres et quadrille systématiquement la population.
Ainsi, par exemple, le journaliste Nguyen Vu Binh, condamné en 2003 à 7 ans de prison pour « espionnage », mais en réalité pour avoir diffusé grâce à internet des articles critiques de la politique gouvernementale et participé à une association contre la corruption. Il est actuellement détenu dans le camp de Ba Sao, dans le nord du Vietnam. Son état de santé s’est dégradé du fait des conditions de détention et du manque de soins.
Par ailleurs, le 18 août 2006, les autorités vietnamiennes ont de nouveau arrêté Truong Quoc Huy pour « tentative de renverser le pouvoir », en fait avoir participé à un forum sur la démocratie sur internet et avoir soutenu un mouvement démocratique au Vietnam. Il avait été accusé du même crime en octobre 2005, arrêté et détenu jusqu’au mois de juillet 2006.
Enfin, les deux défenseurs reconnus des droits de l’Homme Thich Huyen Quang, Patriarche de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante, interdite en 1981), et Thich Quang Do, deuxième dignitaire de l’EBUV, sont toujours détenus dans leurs pagodes-prison respectives, dans la province de Binh Dinh et à Ho Chi Minh Ville. Ardents avocats de la liberté et de la démocratie, et deux des principaux représentants du mouvement bouddhiste pour les droits de l’Homme, ils connaissent la détention, sous toutes ses formes (camp, prison, exil intérieur, assignation à résidence) depuis plus de 25 ans chacun. Thich Quang Do a reçu le Prix Rafto pour les défenseurs des droits de l’Homme, mais n’a pas été autorisé à recevoir son prix en Norvège, au mois de novembre 2006.
La FIDH et ses affiliées sont choquées de constater que les autorités vietnamiennes, loin de se préoccuper du bien-être des populations vulnérables, victimes tant de la libéralisation débridée que de la corruption généralisée, s’appliquent à les réprimer et, à l’occasion des événements internationaux au Vietnam, à les dissimuler aux yeux de la communauté internationale. Ainsi, peu avant le Sommet de l’APEC à Hanoi, en novembre 2006, les autorités ont « nettoyé » les rues de la capitale et envoyé enfants des rues et prostituées dans des Centres de Protection Sociale, qui sont en fait des prisons aux conditions de détention très dures, et arrêté les manifestants pacifiques.
Ces derniers, appelés « victimes des injustices », des paysans dépossédés arbitrairement de leurs terres pour la plupart, viennent manifester paisiblement et quotidiennement par centaines dans le Parc Mai Xuan Thuong. Ils sont habituellement battus et arrêtés par la police. Le gouvernement a en outre adopté en 2005 le décret 38 interdisant les manifestations devant les bâtiments publics.
La FIDH et ses affiliées considèrent que la bienveillance avec laquelle les pays démocratiques ont accueilli la nomination du nouveau Premier ministre vietnamien Nguyen Tan Dung devient complaisance, dès lors que l’étouffement de toute société civile et la répression de toute voix dissidente perdurent, et que M. Nguyen Tan Dung lui-même a exclu d’emblée toute presse ou expression libres.
La FIDH et ses affiliées appellent donc la communauté internationale à faire pression sur le gouvernement vietnamien pour que le Vietnam :
– libère tous les défenseurs des droits de l’Homme détenus et prisonniers de conscience ;
– autorise enfin l’émergence d’une presse libre et des mouvements indépendants de la société civile, seuls garde-fous contre les excès de la libéralisation des échanges et les abus de pouvoir.
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