PARIS, 18 avril 2008 (BIIB) – Le Bureau International d’Information Bouddhiste (BIIB) a obtenu la copie d’un document secret du Parti Communiste du Vietnam (PCV) qui met en lumière la politique de répression contre l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV, Eglise historique, indépendante), et contraste avec les déclarations du gouvernement du « respect de la liberté religieuse » au Vietnam.
Le document concerne le bonze bouddhiste Thich Tri Khai (voir le communiqué du BIIB du 3 avril 2008), qui s’est vu signifier un ordre d’expulsion de sa pagode Giac Hai, dans la province de Lam Dong. Le bonze de l’EBUV Thich Nhu Tan avait révélé que cette affaire relevait de l’intensification de la campagne visant à soumettre les bonzes et les pagodes de l’EBUV au contrôle de l’Etat avant l’organisation au Vietnam, au mois de mai 2008, du Vesak (anniversaire du Bouddha), fête religieuse internationale reconnue par l’ONU.
Le « Plan Secret » n° 44-KH/BCD, intitulé « Plan de lutte contre Thich Tri Khai qui trompe le Sangha Bouddhiste du Vietnam et travaille pour l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam pour s’opposer au Bureau Bouddhiste du District de Don Duong et au Sangha Bouddhiste du Vietnam », a été pris par le Comité Permanent sur les affaires religieuse du PCV (district de Don Duong), et signé par Ly Van Kiet, Directeur-adjoint du Comité Permanent et Secrétaire-général adjoint du PCV de Don Duong. Daté du 13 septembre 2007, il comporte 5 parties : « 1. La situation du Bouddhisme et des activités bouddhistes ; 2. Objectifs et conditions requises ; 3. Méthodes de lutte ; 4. Calendrier ; 5. Mesures à prendre ».
La Partie 1 note : « Il y a plus de 21.000 Bouddhistes dans le district de Don Duong et quelques 15 pagodes, toutes construites avant 1975 » (c’est-à-dire avant la prise de pouvoir par les communistes vietnamiens, ce qui signifie qu’elles appartiennent à l’EBUV). « Après la fondation du Sangha Bouddhiste du Vietnam (SBV, ou Eglise Bouddhiste du Vietnam (EBV), l’Eglise d’Etat) en 1981 sous la devise « Bouddhisme – Peuple – Socialisme » […], il y a eu des réussites, mais un certain nombre de bonzes et de nonnes du district ont connu des progrès limités… Un de ces cas est celui de Thich Tri Khai de la Pagode Giac Hai dans la ville de Thanh My, qui maintenant ne se conforme plus aux ordres du Bureau Bouddhiste de district [du SBV] et du Bureau Exécutif Bouddhiste de Lam Dong. En particulier, il soutient la soi-disant « Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam » dirigée par Thich Quang Do… Le 2 septembre 2007, Thich Tri Khai a déclaré qu’il était devenu le Directeur-adjoint du Comité provincial de l’EBUV de Lam Dong et qu’il dirigerait la Pagode [Giac Hai] sans plus prendre d’ordre de quiconque. Cette évolution a poussé le Comité Permanent sur les Affaires religieuses du PCV du district de Don Duong a adopter un plan de lutte contre les activités illégales de la soi-disant « Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam » de Thich Quang Do et de Thich Tri Khai dans sa Pagode Giac Hai, comme suit :
« 2. Objectifs et conditions requises : (1) la lutte contre les activités illégales de la soi-disant EBUV et de Thich Tri Khai est la lutte de l’Etat et du peuple tout entier contre le complot de l’» évolution pacifique » orchestré par les forces hostiles qui profitent de la religion pour s’opposer à l’Etat et saboter la grande tradition d’unité du peuple ; (2) [il faut] démasquer les activités religieuses de Thich Tri Khai en les exposant devant l’opinion publique (c’est-à-dire organiser des « sessions de dénonciation publique ». Très fréquente durant la Réforme Agraire au nord du pays dans les années 1950, cette méthode est régulièrement employée contre les dissidents politiques et religieux de nos jours au Vietnam, note du BIIB) ; (3) [il faut] lutter avec détermination contre les abus de Thich Tri Khai contre le Sangha Bouddhiste du Vietnam et son soutien à l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam afin de saper son autorité et l’isoler complètement, l’isoler non seulement de ses fidèles mais également des autres bonzes et nonnes, et ainsi prévenir la propagation de l’idéologie illégale de l’EBUV et de ses activités dans le district ».
3. Méthode de lutte : « La lutte contre Thich Tri Khai est synonyme de lutte du Bouddhisme [d’Etat] contre l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam. Le Bureau Bouddhiste de district, le Front de la Patrie et tous les organes et organisations concernées doivent étroitement se coordonner… afin de mobiliser les habitants locaux contre ceux qui profitent de la religion. Les autorités compétentes doivent rassembler des preuves sous la forme de plaintes des habitants et des fidèles concernant la moralité de Thich Tri Khai avant de lancer une accusation publique contre lui ». Ces plaintes seront alors transmises au Bureau du SBV, du Front de la Patrie et de la Sécurité au niveau provincial pour décider dautres actions.
Dans la section sur les Mesures à prendre, le document donne instruction aux sections locales du Département de la Propagande et de la Mobilisation, du Front de la Patrie, des organismes judiciaires, de la Sécurité, du Bureau Religieux du Peuple et du Comité Exécutif du PCV de la ville de Thanh My « de bien s’imprégner de ce Plan et de l’appliquer activement ».
Ce « Plan Secret » révèle l’abîme qui sépare le discours de la réalité des politiques religieuses du Vietnam :
a/ Le cas de Thich Tri Khai montre que l’Eglise d’Etat, le Sangha Bouddhiste du Vietnam (SBV), n’a aucun contrôle ou influence sur les affaires bouddhistes. Le « Plan » pour expulser Thich Tri Khai de la Pagode Giac Hai a été décidé par le Comité Permanent sur les Affaires religieuses du PCV local, qui ordonne au SBV. Pire, le SBV n’a même pas le droit d’appliquer directement les ordres du Parti mais doit attendre que ceux-ci soient « coordonnés » par le Département de la Propagande et de la Mobilisation du PCV, le Front de la Patrie, la Sécurité et le Comité Exécutif du Parti de la ville de Tanh My. Finalement, le SBV n’est qu’un outil politique du PCV.
b/ Le conflit avec Thich Tri Khai est dû à son soutien à l’EBUV mise hors-la-loi par le gouvernement et son refus de se soumettre au contrôle du SBV. Cependant, le « Plan » du Parti consiste à « saper son autorité », à l’» isoler », à collecter des « preuves » des habitants pour salir sa réputation — bref, à établir sa culpabilité « avant de lancer une accusation publique contre lui » en complète contravention avec la présomption d’innocence garantie par la Constitution vietnamienne. Mais cette stratégie a échoué. Comme l’a rapporté le BIIB au mois d’avril 2008, les autorités de Don Duong ont employé tous les moyens possibles, des harcèlements et des menaces jusqu’à l’offre de primes de 500.000 VND pour pousser les habitants à dénoncer Thich Tri Khai. Toutefois selement 12 personnes ont signé une pétition en faveur de son expulsion, tandis que 239 Bouddhistes lançaient une contre-pétition s’opposant à l’action du gouvernement.
c/ Le Comité Permanent sur les Affaire religieuses du PCV dénoncent les « activités illégales de la soi-disant « Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam » dirigée par Thich Quang Do ». Le Vietnam n’a cependant jamais pris de décision légale interdisant formellement l’EBUV. L’EBUV a par conséquent le droit de poursuivre légitimement ses activités religieuses.
d/ Selon le « calendrier » de la mise en œuvre de ce Plan, prévu dans la section 4 du document, le cas Thich Tri Khai aurait dû être « liquidé » avant novembre 2007. Or, en avril 2008, les efforts combinés de la multitude d’agences gouvernementales avaient échoué à retourner la population contre le bonze de l’EBUV, ce qui montre la solidité de la base bouddhiste en faveur de l’EBUV. Le Vietnam tente constamment de minimiser l’EBUV en prétendant qu’elle représente une « minorité ». En réalité, le Bouddhisme vietnamien représente la majorité silencieuse. Bien qu’il ne constitue pas un groupe voyant, les Bouddhistes constitue une force importante de gens prêts à braver l’injustice et la répression au jour le jour pour défendre leurs convictions.