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Le militant de la société civile Mai Phan Lợi condamné à 4 ans de prison au Vietnam

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Mai Phan Lợi
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PARIS, 12 janvier 2022 (VCHR) – Le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (VCHR) proteste vigoureusement contre la condamnation arbitraire du militant de la société civile Mai Phan Lợi à 4 ans de prison par le Tribunal populaire de Hanoi lors d’un procès d’une seule journée, le 11 janvier 2022. Lợi était accusé d’« évasion fiscale » aux côtés d’un de ses collègues, Bạch Hùng Dương, qui, lui, a écopé d’une peine de 30 mois. Le VCHR déplore le recours récurrent aux incriminations fiscales comme prétexte pour détenir et réduire au silence les blogueurs, les défenseurs des droits de l’Homme, les militants de la société civile et ceux qui plus généralement critiquent le gouvernement.

« Le véritable « crime » de Mai Pha Lợi est en fait la défense d’une plus grande indépendance de la société civile au Vietnam » a dit le Président du VCHR Võ Văn Ái. « En tant que partie à l’Accord de Libre-échange UE-Vietnam (EVFTA), Hanoi s’est engagé à instituer un Groupe Consultatif Interne (« DAG ») composé d’organisations de la société civile indépendantes afin de surveiller l’application de l’accord commercial et de faire des recommandations concernant les droits à la terre, les droits des travailleurs et l’environnement. Mai Phan Lợi se retrouve en prison simplement parce qu’il a pressé le Vietnam de respecter ses obligations envers l’UE et le peuple vietnamien ».

Mai Phan Lợi (51 ans) est le fondateur et président du Conseil scientifique du Centre for Media in Educating Community (MEC), organisation à but non-lucratif créée en 2012 et enregistrée auprès du gouvernement. Il est également journaliste, ancien chef du bureau de Hanoi de la revue juridique Pháp Luật. Il a été arrêté le 24 juin 2021, à peu près au même moment qu’un autre militant renommé de la société civile, Đặng Đình Bách, avocat et directeur de Law and Policy for Sustainable Development (LPSD).  Tous deux ont été accusés d’« évasion fiscale » aux termes de l’article 200 du code pénal vietnamien. Aucune information n’a été rendue publique pour le moment sur la situation de Đặng Đình Bách.

Lợi et Bách étaient tous deux membres du Conseil d’administration du réseau VNGO-EVFTA, un groupe d’organisations de la société civile œuvrant dans le domaine du développement et de l’environnement institué en 2020 afin de sensibiliser sur l’EVFTA et sa composante société civile au Vietnam, le Groupe consultatif interne du Vietnam (DAG Vietnam). Le rôle de Lợi était d’organiser des débats en ligne et des ateliers sur la chaîne GTV du MEC pour mettre en avant le rôle que peut jouer la société civile dans la surveillance de la mise en œuvre de l’EVFTA au Vietnam.

Le tribunal populaire a jugé que Mai Phan Lợi avait « ordonné à ses subordonnés de ne pas conserver les pièces comptables » et « de ne pas déclarer ni payer les taxes ». Selon les comptes-rendus du procès dans la presse officielle, Lợi et son complice auraient ainsi fraudé le fisc pour presque 2 milliards de dongs (77.500 euros) sur les plus de 19 milliards de dongs de subventions et donations reçus par son organisation depuis plus de 10 ans.

L’arrestation de ces militants de la société civile et le manque d’indépendance du DAG vietnamien ont été vigoureusement dénoncés par son pendant européen, le DAG Europe, dans une déclaration publiée à l’issue de la première rencontre du Forum pour le dialogue de la société civile de l’UE et du Vietnam (Vietnam-EU Joint Civil Society Dialogue Forum) en novembre 2021.

« Le DAG Europe n’a eu de cesse de soulever auprès des deux parties à l’EVFTA le cas de plusieurs représentants de la société civile arrêtés et emprisonnés au Vietnam ces derniers mois. Nous sommes préoccupés par le nombre limité des participants au DAG Vietnam et demandons par conséquent à ce que le processus pour une plus grande implication et participation de la société civile soit clarifié. Ceci est d’autant plus urgent que, à ce que nous avons compris, un certain nombre d’organisations de la société civile ont vu leur candidature pour participer [au DAG] rejetée pour des raisons obscures ».

Soulignant que l’EVFTA « exige explicitement que les DAGs soient composés d’« organisations représentatives indépendantes » (article 13.14.15 du Chapitre Commerce et Développement durable), le DAG Europe rappelait que la composante société civile était « le socle qui garantit que les engagements pris soient mis en œuvre par les deux Parties ».

Afin d’obtenir la ratification de l’EVFTA, le Vietnam a souscrit à toutes ces clauses, mais ne respecte pas ses promesses. Alors que le DAG Europe, institué en 2020 compte plus de 20 membres dont des ONG de défense des droits humains ou de l’environnement, des organisations des travailleurs et des employeurs, et des organisations représentant les entreprises, le DAG vietnamien n’a été mis en place qu’en août 2021, soit un an après l’entrée en vigueur de l’EVFTA, et ne se compose que de trois membres : la Chambre de Commerce et d’Industrie vietnamienne, l’Institut pour les Travailleurs et les Syndicats (affilié au syndicat d’État, la Confédération Générale du Travail du Vietnam) et le Centre pour le Développement Rural Durable (SRD). Le critère d’indépendance spécifié pour les DAGs prévus par l’EVFTA n’est clairement pas respecté au Vietnam.

Le VCHR en appelle à la libération immédiate de Mai Phan Lợi, Đặng Đình Bách, Bạch Hùng Dương et de tous les autres militants de la société civile détenus pour leur exercice légitime du droit à la liberté d’expression, d’association, d’assemblée pacifique et à la liberté de religion ou de conviction.

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