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Message de Thich Quang Do à la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU

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A l’occasion de la 61ème session de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU, à Genève, le Très Vénérable de Thich Quang Do avait prévu de lui envoyer un message vidéo, enregistré dans le plus grand secret, le 30 mars 2005, dans le Monastère Zen Thanh Minh, à Ho Chi Minh Ville (ex-Saigon), où il est assigné à résidence. Malheureusement, le bonze Thich Vien Phuong chargé de sortir le message vidéo du Monastère a été immédiatement arrêté par la police politique (voir communiqué du 30 mars 2005) qui encercle et surveille constamment le domicile de Thich Quang Do. La police politique a immédiatement confisqué le message vidéo. Le lendemain, prenant les plus grands risques, le réseau bouddhiste de Saigon a pu réenregistrer le message, en audio, et le faire parvenir au Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme juste à temps pour le présenter à la Commission des Droits de l’Homme.

Mesdames, Messieurs,

C’est un honneur et un grand plaisir pour moi de pouvoir m’adresser à vous aujourd’hui pour joindre ma voix aux vôtres pour débattre de l’édification d’un monde fondé sur la liberté et les droits de l’Homme.

Le « droits de l’Homme » signifient le droit pour tout être humain de vivre comme un membre libre et respecté de la société. Mais dans le Vietnam d’aujourd’hui, nous ne sommes pas libres. Nous sommes prisonniers dans notre propre pays, dans nos pagodes, dans nos maisons. Prisonniers d’un régime qui décide qui a le droit de parler et qui doit se taire. Qui a le droit à la liberté et qui doit être détenu. Nous sommes prisonniers d’un régime qui, 30 ans après la fin de la guerre du Vietnam, continue la guerre contre son propre peuple et le prive de ses droits fondamentaux.

Durant les 30 dernières années, les autorités communistes ont cherché à étouffer toutes les voix indépendantes du Vietnam. Aujourd’hui, nous n’avons pas de parti d’opposition, pas de presse libre, pas de syndicat libre, pas de société civile. Toutes les religions indépendantes sont interdites. Tous les citoyens qui en appellent à des réformes politiques, à la démocratie ou aux droits de l’Homme risquent l’arrestation immédiate.

Comme nous refusons d’accepter cela, l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam est systématiquement réprimée. Notre Eglise est hors-la-loi, nos dignitaires sont arrêtés, nos fidèles sont harcelés. Depuis plus de vingt-cinq ans, le Patriarche Thich Huyen Quang et moi-même sommes emprisonnés ou en exil [intérieur], simplement parce que nous avons demandé à ce que le peuple jouisse des droits de l’Homme fondamentaux. Alors que je vous parle, aujourd’hui, je suis assigné à résidence dans le Monastère Zen Thanh Minh à Saigon. La police secret me surveille jour et nuit. Mon téléphone est coupé, mes communications sont écoutées et il m’est interdit de voyager. Ce message a été enregistré dans le plus grand secret et les Bouddhistes ont pris les plus grands risques pour le faire parvenir au Bureau International d’Information Bouddhiste et au Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme à Paris, qui nous ont aidés à le porter à l’attention de votre assemblée aujourd’hui.

Le gouvernement communiste prétend que nous n’avons pas besoin de liberté, et qu’en ayant ouvert le marché du Vietnam, il pourvoit aux besoins du peuple. Mais sa politique d’ouverture économique sous un contrôle autoritaire a échoué de manière désastreuse et a produit une situation politique et sociale explosive. La corruption d’Etat, les abus de pouvoir, l’injustice sociale, l’exploitation et le travail forcé se répandent. Le fossé entre les pauvres et les riches se creuse de manière dramatique et les problèmes sociaux, comme la délinquance juvénile, la drogue, le SIDA, la prostitution infantile et le trafic des femmes, règnent. Dans une société sans Etat de droit et sans justice indépendante, le peuple n’a aucun recours contre les abus et vit dans une insécurité permanente, dans la privation et dans la peur.

Que pouvons-nous faire pour apporter la stabilité, le bien-être et le développement au peuple du Vietnam ? Durant mes longues années de détention, j’ai réfléchi avec force et j’en suis arrivé à la conclusion qu’il n’y a qu’une seule manière : nous devons avoir une vraie liberté et une vraie démocratie au Vietnam. C’est la seule solution possible. Nous devons avoir le pluralisme, le droit de tenir des élections libres, le droit de choisir notre propre système politique, le droit de jouir des liberté démocratiques, en somme, le droit de modeler nous-mêmes notre avenir, de modeler nous-mêmes le destin de notre nation. Sans démocratie et sans pluralisme, nous ne pourrons combattre la pauvreté et l’injustice, ni apporter un vrai développement et le progrès à notre peuple. Sans démocratie et sans pluralisme, nous ne pourrons garantir les droits de l’Homme, car les droits de l’Homme ne peuvent pas être protégés sans les garde-fous des institutions démocratiques et de l’Etat de droit.

La démocratie et le pluralisme sont vitaux pour la survie des mouvements religieux et pour l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam, et nous ne serons jamais débarrassé de la répression religieuse tant qu’un processus démocratique ne soit en marche. L’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam dispose de vastes ressources en hommes et femmes, et nous pourrions tant faire pour le développement du peuple si nous étions libres.

Les dirigeants communistes ont peur de la démocratie parce qu’ils craignent qu’elle leur fera perdre le pouvoir. Mais qu’est-ce qui est plus important : garder le pouvoir ou construire un Vietnam libre et prospère ? Le régime communiste justifie sa présence au nom du nationalisme, de l’indépendance et du progrès économique. Mais en réalité, leur véritable préoccupation est de se maintenir au pouvoir. Maintenir le pouvoir et les privilèges de la minorité dirigeante de 2 millions de membres du Parti Communiste sur la majorité de 80 millions de Vietnamiens. C’est la tragédie du Vietnam : Dans le but de garder le pouvoir à tout prix, le régime de Hanoi détruit notre nation et notre identité culturelle.

C’est pourquoi nous, les Bouddhistes, et le peuple vietnamien de tous bords demandons de façon urgente la liberté, la démocratie et les droits de l’Homme. Les autorités tentent d’étouffer notre voix par la répression, l’emprisonnement et la violence. Mais elles ne peuvent étouffer la volonté du peuple, car la volonté du peuple est la volonté du ciel et la volonté du ciel ne pourra jamais être l’étouffée. Nous continuerons notre combat pacifique. Nous ne cesserons pas [de lutter] tant que notre aspiration pour la démocratie au Vietnam ne sera pas réalisée.

Je vous envoie ce message pour vous demander de nous aider à porter notre voix dans le monde. Chaque jour, les démocrates vietnamiens font face aux dangers pour garder vivant l’esprit de la liberté. Nous n’avons pas peur, mais nous savons que nous ne pourrons pas gagner cette bataille seuls. Nous avons besoin de l’aide de la communauté internationale et des démocrates du monde entier.

Nos demandes sont parfaitement simples : Nous demandons le droit à l’existence pour l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam et pour toutes les autres religions non reconnues, afin que nous puissions tous contribuer au bien-être de notre peuple. Nous demandons le droit de lancer un journal indépendant au Vietnam, comme tribune pour le débat démocratique. Nous demandons enfin la libération de tous ceux qui sont détenus du fait de leurs opinions politiques ou de leurs croyances religieuses. Ces trois mesures concrètes seront les premières étapes vers la démocratisation du Vietnam.

Ces objectifs peuvent être atteints, j’en suis sûr. Cette année marque le 30ème anniversaire de la fin de la guerre du Vietnam, mais également les « 30 ans du Mouvement de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam pour la Liberté Religieuse, les Droits de l’Homme et la Démocratie ». J’espère qu’avec votre soutien, elle marquera également la première année du processus démocratique qui apportera enfin au peuple du Vietnam la paix et la liberté.

Veuillez accepter notre profonde gratitude. Merci.

Vénérable Thich Quang Do

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